La « Guerre »1 misérable de Louis-Ferdinand Céline
Philippe Reliquet*
S’attaquer à un ouvrage de Céline oblige un peu à se faire l’avocat du diable étant donnée la réputation sulfureuse, non usurpée, de l’auteur. Impossible de ne pas penser, en lisant un écrit de sa main, aux pamphlets antisémites et à l’engagement de l’écrivain dans la collaboration, qui ont construit une image détestable de l’homme et rendue une partie de son œuvre illisible.
L’apparition de textes inédits, dans les conditions rocambolesques que l’on sait (manuscrits volés, cachés, ressortis après une très longue réclusion), est à la fois intrigante, passionnante, gênante. D’autant plus que des doutes persistent sur le degré d’exigence scientifique de ces publications, notamment quant à leur datation (et aussi quant à leurs commentaires, notamment la fin de la pré- face signée François Gibault). Mais elles ont provoqué le prévisible succès de curiosité, voire de scandale, dont attestent les importants tirages en cours. Voilà qui contribue à cette gêne, partagée par beau- coup, exprimée par certains.
C’est l’homme Céline qui surgit dans le récit que l’éditeur et les ayants droit ont appelé « Guerre » en s’appuyant sur des mots de Céline à Robert Denoël dans une lettre de 1934. Il s’agit d’un ensemble de textes fragmentaires (il manque le début), non corrigés, visiblement écrits à la hâte et avec rage. Quel usage l’écrivain en eût fait ? Nul ne le sait. Publication à part, fragment retiré du Voyage au bout de la nuit, suite et fin de Casse-pipe, partie d’un ensemble plus vaste ? Cela n’est peut-être pas le plus important, car il s’agit d’un […]
1 – L.-F. Céline, Guerre, édition établie par Pascal Fouché, avant-propos de François Gibault, Paris, Gallimard, 2022, 192 p.
* Philippe Reliquet a été conseiller culturel en France et à l’étranger. Il est l’auteur de divers livres et articles sur l’art et le handicap.
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N°185 – Combattre17,00€