SAG MIR WO DIE BLUMEN SIND – nouvelle inédite, Sylvie Germain

SAG MIR WO DIE BLUMEN SIND1

nouvelle inédite

Sylvie Germain

Ce n’était plus la guerre, ce n’était pas non plus vraiment la paix. C’était quelque chose à mi-chemin des deux. À mi-chemin de tout, dans l’espace autant que dans le temps.
Là, se dressait une ville. Et la ville était froide, dans ses pierres et son âme. Dans cette ville vivaient des hommes, par milliers. Parmi ceux-ci vivait un homme, il s’appelait Urs-Maria L. Son prénom était comme la ville, situé à mi-chemin, quelque part entre l’homme et la femme. Le mince trait d’union qui liait ces deux noms était aussi doux et léger qu’un signe de silence inscrit entre deux notes sur la ligne d’une portée d’un cahier de musique. Un soupir.
Mais plus que le silence, c’était la pause d’un amour qui par lui faisait signe. Car il était né de leur amour, de leur très grand amour – Urs et Maria. Mais il y avait si longtemps déjà de cela, que nul n’en conservait mémoire, sinon lui, le fils. Lui, leur fils unique, et orphelin.
Peut-on se prétendre orphelin lorsqu’on a plus de soixante ans ? Urs-Maria L. n’osait pas se déclarer comme tel ; d’ailleurs, à qui aurait-il bien pu faire un aussi risible et douloureux aveu ? Il était seul, absolument. Il ne prétendait rien, il était corps et âme un orphelin, tout simplement. Un orphelin esseulé dans la grande ville où guerre et paix se côtoyaient dans un mutisme amer, têtu.
Ce n’était pas l’oubli, pas davantage la mémoire. C’était quelque chose de trouble, perdu au mitan de l’histoire. Entre la honte et le chagrin. […]

1 – Nouvelle écrite en 1983 ou 1984.


1 réflexion sur “SAG MIR WO DIE BLUMEN SIND – nouvelle inédite, Sylvie Germain”

  1. Ping : N°164 – Sylvie Germain – APPROCHES

Les commentaires sont fermés.

Retour haut de page