De la polysémie à la confusion : le mot « culture », Alain Finkielkraut

De la polysémie à la confusion : le mot « culture »

Alain Finkielkraut*
La culture a « cédé la place »…

Le mot « culture », alors que je faisais mes études, que je me cultivais, et même que je commençais d’enseigner, ne revêtait pas pour moi une importance capitale ; il ne faisait pas partie des mots qui m’étaient chers. Peut-être parce que j’y voyais justement un de ces mots fétiches de l’humanisme classique dont je ne voulais pas « ânonner en chapelet la rengaine », pour reprendre très exactement ce que je viens d’entendre. Puis, ce mot s’est mis à vivre pour moi, lorsque j’ai lu, il y a déjà quelque temps, le très bel article de Milan Kundera, « Un Occident kidnappé ou la tragédie de l’Europe centrale », publié dans Le Débat à la fin de l’année 19831. Dans cet article, Milan Kundera, s’interrogeant sur l’Europe, se demande sur quoi repose son unité. Au Moyen-Âge, dit-il, elle reposait sur la religion commune ; puis, Dieu s’est éclipsé – le Deus absconditus des temps modernes –, et, à ce moment-là, la religion céda la place à « la culture », « qui devint la réalisation des valeurs suprêmes par lesquelles l’humanité européenne se comprenait, se définissait, s’identifiait ». Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est que Kundera dans ce texte nous dit justement « la culture cède la place… » : « De même que Dieu céda, jadis, sa place à la culture, la culture à son tour cède […]

1 – Mai 1983, n° 27, p. 3-23.

* Alain Finkielkraut est philosophe et écrivain, producteur de l’émission « Répliques » sur France-Culture. Il est aussi académicien.


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