Au fil de l’eau
Dominique Tabone-Weil*
À sec
Rien. Rien ne vient. Un gargouillis lointain, une goutte, puis plus rien. Dehors la chaleur monte. Au-dessus du maquis, l’air tremble. On est au milieu de la journée et le ciel qui a l’habitude rassurante en été de se charger de nuages au-dessus des montagnes, reste immensément vide et sec. Là non plus, rien en vue. Et en bas tu as de l’eau ? Non. Tu peux vérifier qu’il n’y a pas un problème à l’arrivée ? Non, rien. Ce n’est pas chez nous alors.
La dame de la mairie n’est pas au courant, elle va appeler le maire, merci. Le voisin, un peu plus tard pointe son nez : vous avez de l’eau vous ? Il ne doit pas en boire souvent, de l’eau, le voisin, mais de là à ne pas en avoir du tout. Non, nous non plus. Un ami quelques maisons plus loin et une heure plus tard nous informe que c’est tout le village. La citerne est vide. Ou plus exactement : la citerne s’est vidée. Plus d’eau. Au cœur de l’été. La montagne contre laquelle le village est blotti est déjà roussie par deux mois de sécheresse. Inutile de dire que la fontaine est tarie depuis longtemps. C’est depuis quelques années qu’elle s’amenuise, dès le début de l’été, un filet de plus en plus mince, jusqu’à se taire complètement. Silence des oiseaux1, silence des fontaines. Quelqu’un, dit-on, aurait détourné son cours. Mais non, tu confonds, ça c’est la rivière. Quelqu’un aurait détruit son cours en creusant les fondations de sa maison ? Oui c’est ça. En partie. Les crimes impunis du quotidien. La vasque […]
1 – Allusion au livre Printemps silencieux de Rachel Carson, 1962.
* Psychiatre, psychanalyste, membre titulaire de la Société Psychanalytique de Paris.
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N°187 – L’eau17,00€